Le mur courbe du soubassement du Pavillon suisse est une sorte d’autoportrait de l’auteur. Ses courbures renvoient à des mondes variés, chers à Le Corbusier : d’un côté le paysage de sa Suisse, où il a vécu et travaillé jusqu’en 1917 et où il a construit ses premières œuvres en moellons apparentes; et d’un autre côté, un monde d’images, qu’il a découvert suite à son déménagement à Paris, à travers des contributions à « L’Esprit nouveau » et ses nombreuses peintures.

 

En 1933, le mur du salon était tapissé d’un montage de photographies agrandies ; il s’agissait donc d’une véritable « fresque photographique » ou alors d’un « mural photographique », comme l’a lui-même décrit Le Corbusier. Ces photographies témoignent de matériaux, comme des pierres du Palazzo Vecchio de Florence, admiré pendant son premier voyage d’études, mais aussi des structures – y compris la structure métallique du Pavillon suisse, photographiée pendant sa construction. En outre, la fresque photographique montre des phénomènes naturels que Le Corbusier avait observé, dessiné et photographié, jeune homme, pendant ses parcours dans les montagnes enneigées de son paysage jurassien.

 

La fresque photographique, détruite durant l’occupation nazie, sera alors remplacée par Le Corbusier par une nouvelle forme d’art, qui le passionne pendant les années d’après-guerre. Il s’agit de la « peinture murale », appliquée sur des panneaux d’Isorel, à laquelle il travaille à partir de 1948. Cette peinture peut être comparée, du point de vue de la valeur et des dimensions, aux grandes œuvres de Michel-Ange, Picasso et Fernand Léger. Elle aborde quatre thèmes, qu’on retrouve déjà dans ses peintures et dessins précédents et dont certains remontent aux années 1920, mais sont maintenant composés à la manière surréaliste du « cadavre exquis » avec l’objectif de rétablir des significations et de les projeter dans une dimension, qui de plus en plus prend la forme d’un récit autobiographique. C’est justement cette logique indéterminée du « cadavre exquis », qui prend la place de la combinaison calculée des profils de la peinture puriste et montre d’une façon emblématique le passage d’une vision psychophysiologique à une introspection surréaliste ; ceci est conforme à un nouveau concept sur lequel Le Corbusier théorise durant cette période et qui va au-delà des points d’une nouvelle architecture : « L’espace indicible ».

 

Prof. Roberto Gargiani
École Polytechnique Fédérale de Lausanne/ENAC/IA
Laboratoire de théorie et d’histoire 3. Histoire de la construction