Origines

La Cité Internationale Universitaire de Paris (CIUP) est un ensemble architectural réputé pour le caractère et la variété de ses édifices, reflet du talent et de la diversité culturelle de leurs bâtisseurs. Dans un parc paysager de 34 hectares, les 37 maisons et bâtiments collectifs, offrent une véritable exposition d’architecture du XXème siècle. Au sein de ce campus, le Pavillon suisse est un joyau architectural, classé monument historique depuis le 16 décembre 1986.

Dès 1924, la Suisse prend la décision de construire un Pavillon à la CIUP. De 1925 à 1930, un comité réunit des fonds privés, complétés par une subvention fédérale, et décide, à l’initiative du professeur Rudolf Fueter, mathématicien puis recteur de l’Université de Zurich, de passer commande du Pavillon à Le Corbusier. L’architecte hésite, encore sous le coup de son échec au concours de 1927 pour le Palais de la Société des Nations, mais finit par accepter : « Il fallait qu’à Paris, la Suisse apparût autrement que sous les visages agrestes du poète : un chalet et des vaches ».

Après de longues et fastidieuses négociations, la première pierre est finalement posée le 14 novembre 1931. Le bâtiment inauguré en juillet 1933 s’affirme comme le seul édifice de la CIUP à afficher une identité moderne, bien à l’écart des édifices folkloriques ou de tradition académique, une image moderne que la Suisse adopte d’ailleurs à ce moment dans toutes les manifestations internationales. Ses créateurs, Le Corbusier et son cousin Pierre Jeanneret, firent du Pavillon suisse un laboratoire privilégié pour la mise en œuvre de leur vision sur l’habitat collectif et de leurs théories de constructeurs contemporains : puissance de la structure inférieure de béton armé, préfabrication industrielle des étages, recherches poussées sur l’isolation phonique et aménagement étudié des chambres avec la collaboration de la décoratrice Charlotte Perriand, spécialiste dans les « équipements du logis ».

Projet

Quatre projets pour le Pavillon suisse se suivent entre décembre 1930 et juillet 1931. Sans doute parce que le commanditaire a le souci de limiter la dépense, l’édifice, du point de vue des fonctions et des usages, est assez rudimentaire dans la définition qu’en donne la commande : quarante-deux chambres d’étudiants, un salon, un local pour l’accueil, un bureau et un appartement pour le directeur. Les projets de l’architecte parviennent à faire évoluer un peu ce programme, en particulier par la générosité des circulations. Malgré une surface limitée (6 X 2,8 mètres), le point fort est la conception et le mobilier des chambres, éclairées au sud par une fenêtre en bandeau; pratiquement toutes identiques, elles sont les seules à la Cité, et pour longtemps, à être équipées d’une douche. La combinaison des espaces et leur expression sont très nouveaux ; ils s’inspirent des notions les plus récentes, et en partie des « cinq points de l’architecture nouvelle » que Le Corbusier et Jeanneret ont formulé en 1927. En réponse à un sol difficile (d’anciennes carrières), les architectes privilégient un petit nombre de puits de fondation (profonds de 19m), et choisissent de rendre apparente cette option technique, en surélevant le corps de bâtiment principal sur une dalle, un « sol artificiel » appuyé sur la structure de la Fondation. Très satisfaits de leur collaboration avec l’industriel Wanner (immeuble d’appartements « Clarté » à Genève, 1930-1932), les architectes étudient d’abord une structure métallique, à laquelle succède un dispositif plus complexe : sur des pilotis massifs de béton armé, les étages sont construits avec une ossature légère d’acier, cachée dans une enveloppe de briques et de dalles en pierre reconstituée, ainsi que de vitrages.

Une « maison de la culture moderne »

Reconnu comme « l’une des créations les plus libres et les plus imaginatives de Le Corbusier » (Siegfried Giedion), l’édifice est une synthèse entre trois démarches : l’une affirme le type de la barre moderne et autonome, indépendante de toute relation à la forme de la parcelle ; la seconde affirme la confrontation de cette barre avec des volumes différents et spécialisés, la combinaison de parois planes et concaves, le contraste de matériaux industriels et naturels. La troisième est dans l’interprétation originale de deux des « cinq points de l’architecture moderne » : le toit-terrasse habité et caché et les pilotis, en béton brut de décoffrage. L’édifice est ainsi un point de départ pour l’évolution ultérieure de Le Corbusier plasticien et pour le « new brutalism » des années 1950.

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Les 5 points d’une architecture

Le Corbusier et Pierre Jeanneret élaborent une théorie basée sur 5 points, véritable ligne de conduite de l’architecture contemporaine – les pilotis, le toit-terrasse, le plan libre, la fenêtre en bandeau, la façade libre – dont le Pavillon suisse offre une illustration particulière.

Les pilotis

La maison est en l’air, loin du sol humide et obscur, le jardin passe sous la maison.

Le toit-terrasse

Avec l’installation du chauffage central, le toit ne doit plus être en bosse mais en creux. Il doit rejeter les eaux à l’intérieur de la maison et favoriser une humidité constante sur le toit qui permettra la création d’un toit-jardin opulent. À la Fondation suisse, le toit-terrasse est caché et habité.

La fenêtre en bandeau

Le ciment armé fait révolution dans l’histoire de la fenêtre. En l’absence de murs portants, les fenêtres peuvent courir d’un bord à l’autre de la façade.

La façade libre

Les poteaux sont en retrait des façades, à l’intérieur des maisons. Le plancher se poursuit en porte-à-faux. Les façades ne sont plus que des membranes légères de murs isolants ou de fenêtres.

Le plan libre

Le plan n’est plus esclave des murs portants. Le béton armé dans la maison permet le plan libre. Les étages ne se superposent plus par cloisonnements : ils sont libres.

Réhabilitations

Le Pavillon suisse a fait l’objet depuis 1945 de plusieurs interventions de Le Corbusier :

  • 1948 : peinture murale du salon, qui se substitue au mural photographique de 1933, détruit pendant la guerre,
  • 1953 : réfection de l’élévation au sud, avec une transformation importante des vitrages des chambres, pour limiter un ensoleillement excessif,
  • 1957 : série de banquettes, avec décor émail et nouvelle polychromie des chambres.

Le Pavillon suisse est inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques le 8 septembre 1965, puis classé monument historique le 16 décembre 1986. Les dernières interventions sur le gros œuvre (1991-1993), sous la direction de M. Hervé Baptiste, architecte en chef des Monuments historiques, et de M. Jacques Chopinet, architecte-conseil de la Fondation suisse, ont conduit à refaire l’étanchéité des terrasses, à remplacer la totalité du parement de pierre reconstituée, pour un montant de 4,5 millions francs, pris en charge pour moitié par le gouvernement suisse et par le Ministère français de la Culture. Dans la dernière période de rénovation de ce bâtiment resté vivant, on procède à la mise aux normes de l’installation électrique, à l’installation de cuisinettes à chaque étage et, dans les chambres, à la réfection complète des sanitaires et à l’installation d’un nouveau mobilier, approuvé par Charlotte Perriand. Le mobilier d’origine est maintenu dans une chambre-témoin, ouverte aux visiteurs. En juillet 2000, la restauration de la peinture murale de Le Corbusier dans le Salon est confiée à Madeleine Hanaire avec le concours du Conseil de la Maison suisse et de la Conservation régionale des Monuments historiques. Une réfection à l’identique de la paroi en pavés de verre Nevada a été faite en 2010. Enfin, la réfection de l’étanchéité du toit en 2016 ainsi que le projet d’aménagement consistant à l’équipement de salles de bain privatives dans les chambres et à l’agrandissement des cuisines collectives, sous la direction de M. Alexandre Kabok, architecte-conseil de la Fondation suisse, s’est réalisé en 2018.